A matter of (in)difference

Martin était le genre de garçon chanceux la plupart du temps. Il se faisait rarement choper et pour les rares fois où c'était le cas, il arrivait à s'en sortir assez aisément. D'une part, car il connaissait les rues des quartiers pauvres de la Capitale et de Little Hells par coeur. Mais aussi, car il se passait toujours quelque chose qui finissait par jouer en sa faveur. Á croire qu'il avait un ange gardien qui veillait sur lui.

Du moins, c'est ce qu'il avait pensé jusqu'à aujourd'hui.

Déjà en se levant, ce matin-là, il ne le sentait pas. Il n'avait pas passé une bonne nuit, il s'était donc réveillé avec un léger mal de tête, en plus le temps n'était pas fameux. Pluvieux et venteux. Le genre à pas mettre le nez dehors. Du coup, faire les poches des gens devenait difficile quand y avait trois pelés et un tondu dans la rue. Mais avec un peu de chance, ils auraient la mine basse, emmitouflé dans leur cape et manteau et ne remarqueraient rien ?

Parce que bon, Martin n'avait pas le choix. Il faisait, certes, partit du cercle très privé d'Elliot, mais ce dernier ne faisait pas de différences quand ça concernait l'argent. Et s'il ne voulait pas dormir à la belle étoile cette nuit, il devait lui rapporter de quoi payer son « loyer ».

Martin était arrivé à un âge charnière et très embêtant. Il avait plus ou moins 17 ans et même si pour les Lycans c'était encore un louveteau, pour les humains, il était déjà considéré comme un homme. Un gamin c'est vrai, mais un homme quand même qui devrait payer le prix fort s'il se faisait choper. C'était quoi encore la punition pour les pickpockets ? Une main coupée ? Rien qu'à cette idée, le jeune garçon en avait des sueurs froides.

Et évidemment, maintenant qu'il avait un corps d'adulte, c'était plus difficile de faire les poches aux gens. Les enfants n'attiraient pas les regards. Surtout s'ils étaient pauvres. Les gens riches n'aiment pas se sentir coupable du coup, ils préféraient détourner le regard de la misère infantile qu'ils avaient devant les yeux. Ce qui facilitait évidemment les larcins.

Comme il le pensait, il n'avait pas grand monde dans la rue ce jour-là. Il avait dû pousser assez loin dans les quartiers un peu plus riche pour enfin trouver une potentielle victime. Le problème c'est qu'avec cette pluie, les gens traînassaient moins sur le chemin et allait d'un point A à un point B sans demander leur reste. Il opta pour la technique de la bousculade. Les yeux baisés, il heurta le monsieur comme-ci il ne l'avait pas remarqué, en profita pour lui faire les poches et repris son chemin après s'être vaguement excusé.

Il n'avait pas fait 1m que sa victime hurlait déjà « au voleur ».

Ni une, ni deux, il prit ses jambes à son cou. Il vit du coin de l'oeil que des soldats l'avaient pris en chasse, lui intimant l'ordre de s'arrêter. Comme-ci les gens s'arrêtaient vraiment dans ce cas-là…

Il emprunta une rue à droite, puis une autre encore. Il connaissait moins bien le quartier alors il avait du mal à distancer ses poursuivants. Il finit par arriver dans une ruelle en cul de sac. Mais pas de panique, il y avait clairement moyen d'escalader le mur. Ce qu'il fit assez aisément d'ailleurs en grimpant sur une caisse. Une petite flexion de bras et une roulade plus tard, le voilà de l'autre côté du mur. Il eut un rictus quand il entendit les soldats se fracassé contre le mur en jurant.

Il traversa un pont et finit par arriver aux quartiers pauvres où il put reprendre son souffle. Il était temps pour lui de retourner à Little Hells. Bien que c'était l'endroit le plus crains de la Capitale, c'était également l'endroit où il se sentait le plus en sureté. Paradoxale non ?

Plus confiant et moins sur ses gardes, il tourna dans une ruelle pas trop loin d'un bar qu'il connaissait bien et se prit de plein fouet une montagne de muscles. Le choc lui fit perdre l'équilibre et il tomba sur les fesses. La voix qui s'éleva lui fit réaliser assez vite qui était la personne qu'il avait percutée et il blêmit légèrement.

« Tiens, tiens, mais qui voilà ? »

Martin se releva tant bien que mal en essayant d'avoir l'air serein face à l'armoire à glace qu'il lui faisait face. Igor était bien connu des Lycans et des Vampires du quartier pour être le chef d'un gang assez violent envers les créatures de la nuit. Raciste comme jamais, il avait déjà cherché des noises à Elliot et plus d'une fois, ça avait tourné en pugilat.

Martin n'avait pas la moindre chance de gagner en 1v1 contre Igor qui faisait trois fois sa taille et son poids. Certes, le Lycan était plus costaud qu'un humain moyen, mais on parlait quand même d'un gars qui avoisinait les 120 Kg pour presque 2m en taille.

Il décida de rebrousser chemin mais deux des sbires d'Igor firent leur apparition derrière lui en faisant craquer leurs poings. Voilà qu'il était triplement dans la merde.

« C’est bon les gars, je cherche pas les ennuies, je veux juste rentrer chez moi. » tenta-t-il, en vain.

C'était peine perdue. Cet homme détestait autant les lycans que lui ne détestait les riches. En plus, leur dernière confrontation lui avait valu une belle balafre au visage suite à un coup de griffe bien placé d'Elliot.

« Ne t'inquiète pas. Je te promets de rapporter ta sale carcasse de loup auprès des tiens quand j'en aurais fini avec toi. »

Tous les sens de Martin étaient en alerte et son instinct lui disait de fuir le plus vite possible. Seulement, il ne voyait pas forcément d'issues. Il allait sans doute devoir se battre à coup de crocs et de griffes.

Mais en même temps, ça ne l'arrangeait pas de se transformer. Il serait obligé de laisser ses vêtements, et surtout son dernier larcin derrière lui. C'était trop bête.

Il esquiva un premier coup, mit une droite à un des sbires, mais le second l'immobilisa en lui attrapant les épaules par derrière. Igor en profita pour lui asséné un coup dans le ventre, ce qui le plia en deux, le souffle court. Il reçu d'autres coups au ventre et au visage et on finit par le lâcher, toussant et vomissant.

Igor roulait des mécaniques et semblait dire, de bonnes humeurs, que c'était que l'échauffement.

Il n'avait plus le choix, il devait se transformer. Tant pis pour son butin du jour.

La transformation était plutôt rapide et prit un peu le trio par surprise. D'un bond, il sauta sur le mollet d'un de ses assaillants tout croc dehors qui hurla de douleur et de terreur. Son ami recula terrifié, mais il fallait plus que ça pour faire peur à Igor qui lui fit une clé de bras pour le forcer à lâcher prise.

« Espèce de sale monstre. Lâche-le. »

Il grogna, fit claquer ses mâchoires et essaya d'attraper le bras du chef, sans succès alors il tenta de hurler pour appeler ses congénères à l'aide mais Igor resserra son étreinte sur son cou, l'étouffant au passage.

« Ne pense même pas à appeler tes copains. »

C'était assez ironique d'être traité de monstre par un homme qui était capable de stopper un loup à mains nues. Il tenta de se débattre, donnant des coups de griffes et se tortillant du mieux qu'il le pouvait, mais Igor le maintenant fermement pendant que ses copains lui assénaient des coups de pieds au flanc et au ventre.

Il ne savait plus quoi faire. Il allait mourir sous les coups de ces hommes, loin de sa meute. Sa chance avait fini par tourner et il lui fallait un miracle pour s'en sortir. Si seulement quelqu'un pouvait entendre ses gémissements…

A matter of (in)difference

Oui. Finalement, il était bien un loup chanceux à priori. Alors qu'il s'apprêtait à tourner de l'oeil sous l'étreinte mortelle d'Igor, voilà qu'une voix féminine retentit pas loin et intima l'ordre au colosse de le lâcher.

Il ne fut pas très surpris quand Igor desserra sa prise au vue de l'odeur qui émanait de cette femme. Il connaissait bien les capacités hypnotiques des vampires.

Martin put reprendre sa respiration, se redressant péniblement sur ses quatres pattes quand la vampire lui ordonna de s'occuper des sbires pendant qu'elle se chargeait d'un Igor amorphe.

Il ne se le fit pas dire deux fois et sauta sur le premier homme en face de lui en faisant claquer ses mâchoires. Il l'attrapa au niveau de l'épaule, resserrant les dents, le mordant profondément et le faisant basculer sur le sol.

L'autre gars prit peur et partit en courant et en hurlant.

Martin n'aimait pas trop l'idée de prendre la vie de quelqu'un. Il n'était pas ce genre de criminel. Du coup, il lâcha prise et se mit à grogner férocement, le poil hérissé pour faire peur au second sbire qui compris assez vite qu'il lui laissait une chance de s'échapper. Tout en se tenant l'épaule, l'homme se redressa et suivit son pote aussi vite que ses petites jambes pouvaient l'emmener.

L'adrénaline retombant, il se rendit compte qu'il avait mal partout et tremblait de pattes à la truffe. Il observa la vampire se repaître du sang d'Igor. Sa disparition allait faire du bien à sa meute.

Juste à côté de la vampire, il y avait ses vêtements et sa bourse avec tout l'argent qu'il avait obtenu aujourd'hui.
Un autre loup plus malin aurait sans doute pris la poudre d'escampette sans demander son reste mais il devait absolument récupérer son argent.

Il ne s'était jamais approché des vampires. Il préférait les éviter généralement. C'est pas lui, un simple sang-mêlé, qui ferait le poid contre une de ses créatures. En plus, la plupart des vampires étaient des gens de la Haute. Il les méprisait tout autant que les humains de nobles naissance.

Mais celle-ci venait quand même de lui sauver la vie. Il y avait donc peu de chance qu'elle s'en prenne à lui. La moindre des choses c'était tout de même de la remercier. Et comme ça, il pourrait récupérer ses affaires avant de rentrer chez lui. Il attendit donc sagement qu'elle ait finie son repas.