C'était quartier libre et Beatrix avait bien des choses à faire, notamment entretenir son épée. Celle d'apparât était en très bon état, elle en prenait soin, en revanche celle qui lui servait pour le combat commençait à sérieusement vieillir. Des marques de coups, des morceaux de fer détachés, il lui fallait des mains expertes pour retrouver sa forme, si cela était possible. Elle rejoint alors ses quartiers changeant ses affaires pour une tenue moins officielle mais tout aussi élégante. Des bottes de grands chemins, un pantalon militaire noir -et c'était assez rare qu'elle porte cette couleur pour le noter- et une chemise bouffante blanche, plus confortable pour se déplacer et son veston à broche pour la couvrir un peu. Elle tenait à sa ceinture son épée, un autre signe qu'elle faisait partie d'une certaine classe sociale malgré elle. Beatrix avait caché sa bourse dans l'une de ses poches, pensant que ce serait suffisant pour ne pas tenter de vils larcins.

Cela faisait un jour entier qu'elle n'avait pas bu de sang, d'animal ou d'humain, la faim était supportable mais présente. Elle se chargerait de ce détail bien dérangeant plus tard, pour l'heure elle était occupée à rejoindre sa destination : "Les mains d'Or".

On lui avait conseillé, sa propre famille à vrai dire, car le tenancier aurait de l'or dans les mains, d'où le nom. Le gant de métal qui se rend aux mains d'or, on aura tout vu. Beatrix s'avance ne prêtant pas attention à certains regards indiscrets sur elle, il s'agissait d'une petite boutique près d'une place avec un puit. L'odeur du charbon et la chaleur de l'endroit suffisait à camoufler ses envies de sang qui tambourinaient dans son corps tout entier, et sur ses dents. Une grande arche faisait office d'entrée, elle entendait les coups sur le métal alors qu'elle osa enfin entrer. Il y avait un brasier au fond de la pièce où se tenait également l'homme aux mains d'or. Il avait les cheveux bruns, les yeux bleus rivés sur son travail la sueur au front. On voyait sa cicatrice traverser son sourcil froncés et sa paupière, l'expression visiblement concentrée.

Elle devait être au bon endroit à présent cela ne faisait aucun doute, lorsqu'elle entra, elle leva les yeux au plafond pour voir qu'une large épée y était accrochée, pointant vers l'âtre. Beatrix passe devant un présentoir à armure, puis elle se racle la gorge pour annoncer sa présence.

"Heu ... Bonjour ?"

La posture de Beatrix restait stricte, la main droite dans le dos, la gauche sur la garde de son épée, tendue et droite comme un piquet, attendant patiemment qu'on la libère de cette formalité. L'on pouvait voir sur la garde de son épée le blason de sa famille, mais elle était pour l'instant recouverte de sa main.

Ses yeux se lèvent pour rencontrer le futur regard de son interlocuteur, espérant secrètement qu'elle n'aurait pas à tenir ainsi trop longtemps. Il y avait une brouette de minerais non loin d'elle, cette information restait dans sa mémoire, vu la quantité le poids de cette charette était considérable. S'il était en effet capable de la soulever, elle n'avait pas à faire seulement à un forgeron, mais à une force de la nature.

Le forgeron finissait apparemment son travail, donnant quelques derniers coups de marteau sur le métal adoptant une forme arquée étrange, Beatrix ne savait pas plus que cela à quoi ce morceau pouvait bien servir. Quoi qu'il en soit, elle se faisait patiente, bien qu'un peu raide. Le forgeron referme l'âtre laissant à l'intérieur le morceau qu'il travaillait. * Ha ... Je le dérange.*

En effet Beatrix ne savait pas à quelle heure on pouvait venir dans une forge, mais après tout si la "porte" est ouverte ... De toutes manières, elle n'aimait pas faire faire son travail à sa place, alors c'est la raison pour laquelle elle était venue elle même. Bien sûr, il s'agissait aussi d'une raison sentimentale, son épée avait du vécu et elle voulait en restaurer l'éclat et l'utilité. C'était soit ça ou la changer, mais elle laisserait le maître lui dire ce qu'il en pense. Elle n'était pas prête à en changer, mais s'il n'y avait que la garde de récupérable, alors pourquoi en garder la lame émoussée ?

Il s'avance vers elle, enlevant du chemin la brouette remplie de divers morceaux et pierres garnies de minerais plus ou moins précieux. Beatrix entre plus avant dans la pièce, et découvre différents étals, il y avait même quelques bijoux, visiblement cet homme savait tout faire ; armures, armes, bagues, pièces de structures et autres joyeusetés... Il y en avait pour tous les goûts. Beatrix se détend légèrement, maintenant qu'on l'avait laissé entrer, elle décide de faire un pas en avant, puis un deuxième pour laisser la place à la charrette. Son regard inquisiteur parcoure la pièce avant de revenir sur son interlocuteur, elle avait une étrange sensation le concernant mais elle n'aurait pas su mettre le doigt sur ce qui la dérangeait. C'était peut être sa faim qui se faisait sentir, pour la réprimer une fois encore elle avale sa salive, puis avec un air réfléchit, elle sort son épée qui était attachée à sa ceinture sur le côté gauche, elle était droitière.

"Et bien ... Je suis venue vous voir pour savoir s'il était possible de réparer ou de sauver cette épée ci."

Il s'agissait là d'une épée courte, avec de grand coups visibles à l'oeil nu sur tout le tranchant de la lame. Elle avait vécu, un peu trop, seule la garde particulièrement ouvragée semblait avoir encore matière à être sauvée. Beatrix la tenait par deux mains aux paumes ouvertes vers le ciel pour la montrer dans toute sa longueur. La garde et ses armoiries étaient à présent visible mais elle se doutait que, si sa famille lui avait conseillé les mains d'or, c'était pour une bonne raison.

"Dites le moi sans détours, c'est possible vous croyez ?"

Elle lève ses yeux vers son interlocuteur, un regard presque inquiet sur le visage, elle y tenait et, mis à part les coups sur l'épée, on pouvait voir qu'on avait prit grand soin de la nettoyer. Beatrix laisserait le loisir au forgeron de prendre la lame pour la jauger, elle la lui tendait presque mais on pouvait voir dans son attitude qu'elle était sa propriétaire unique et comptait bien le rester.

Beatrix avait du mal à sourire en règle générale, et cette situation ne faisait pas exception, de plus elle avait apprit à ne pas trop révéler ses canines depuis ... "L'incident". Alors à la place, toute la sympathie qu'elle pouvait donner se traduisait par par sa posture devenue moins raide, plus encline à se laisser guider. Elle suivrait cet homme tant qu'il tiendrait son épée.

L'étrange forgeron semblait sur ses gardes, alors qu'il n'y avait pas de quoi Beatrix n'était pas une violente malgré sa profession, elle était certes stricte mais pas insensible. Elle interprêta cette méfiance comme celle d'un artiste attentionné qui n'avait pas envie que cette lame soit plus endommagée qu'elle ne l'était. Mais Beatrix était soucieuse du bien être de son épée, et aussi elle la manie avec soin.

Il siffle, par admiration comme par inquiétude, son épée n'était pas dans un état exemplaire elle le savait, mais alors qu'il s’emparait de celle ci il l'examina de plus près. Beatrix avance en suivant son interlocuteur et ressent une vive sensation de mal-être, il ne s'agissait pas de cet homme mais de l'endroit. Comme si les différents outils et armes ici présentes étaient imbibée de sang, comme si cette large épée au plafond la menaçait à la manière de Damoclès. Elle porte sa main à ses lèvres pour retenir et avaler sa salive une nouvelle fois, ce déglutissement était pour l'instant suffisant pour la retenir, et... Elle avait vécu pire.

Il inspecte avec précautions la lame, le blason sur la garde lui est familier mais ne lui dit guerre plus. Beatrix n'allait pas lui dire que c'était une De Vasseur, elle avait bien assez comme ça des remontrances quant à son rang, à la place elle hoche la tête sur le côté comme si elle était elle même étrangère à ce blason qui fait pourtant partie intégrante de sa vie. Elle se concentre plutôt sur ce qu'il dit ensuite, l'entretien est impeccable, elle sourit légèrement de fierté. Si on lui avait apprit quelque chose à l'armée, c'était bien de prendre soin de ses affaires. En revanche son sourire s'efface bien vite lorsqu'il lui fait comprendre que son épée est fragilisée par usure. Elle s'entraînait avec, et elle ne négligeait jamais ses heures d'entrainement, mais les mannequins de bois et ses pauvres opposants étaient tout de même résistants.

Il s'avance vers l'un de ses postes et fait de la place sur l'établit pour prendre une assez large loupe encadrée par une armature qu'elle le soupçonnait d'avoir confectionné lui même.
Beatrix s'approche et retient son malaise pour essayer d'y voir plus clair. A la loupe, les éclats manquants et autres coups étaient d'autant plus visibles, la bonne nouvelle c'était que le coeur de la lame était encore intact. Il lui en fit la démonstration avec une autre lame de celles qu'il avait dans ses réserves. Elle se brise en éclats, et Beatrix sursaute presque face à cette brutalité. Elle n'était pas à l'aise, mais il n'y avait aucune raison pour qu'elle le soit, alors elle commençait à se ronger de l'intérieur, maudissant sa condition de vampire.

Stressée peut être mais par quoi ? Manger le matin, ha ça, si elle avait pu avoir du sang frais ce matin ç'aurait été un délice sans aucun doute, bien qu'elle avait encore du mal à se l'avouer...
L'idée la fit rechigner à s'exprimer et à la place elle continue d'écouter attentivement le maître à l'oeuvre. Elle ne comprenait pas tout le processus mais avait une vague idée de ce dernier. Cela lui semblait en effet cohérent et du moment qu'elle puisse la récupérer elle se plierait aux conseils et à l'expertise de son interlocuteur.

"De combat, et d'entraînement. Je l'utilise pour les deux, bien que je devrais en avoir une pour l'entraînement mais je l'ai brisée et on ne m'en a pas encore fournie d'autres."

Ce n'était pas la première fois que Beatrix brisait son matériel d'entraînement, mais c'était bien la première fois qu'elle essayait de faire réparer cette lame qui avait longtemps et durement servie. A chaque fois que les lames d'entraînement lui faisaient défaut, elle pouvait compter sur cette dernière.

"Vous pensez que je pourrais la récupérer aujourd'hui ?"

Elle avait le teint livide, sa condition ne l'aidait certainement pas à avoir de meilleure mine, mais cet endroit était tout particulièrement difficile à tenir. Et elle ne savait pas encore pourquoi.
Beatrix pose une main à sa ceinture, comme par habitude de l'avoir sur sa garde, son pouce attaché à présent à la lanière. C'était pour elle une présence rassurante, mais elle n'était plus là et c'était peut être la raison de son mal-être, ça, et la soif de sang. Elle espérait bien récupérer son arme rapidement, mais faire des bains répétés demandait du temps et bien qu'elle l'avait cet après midi elle craignait que cela dure plus que prévu.

Sa lame d'apparat était rangée dans ses quartiers, elle ne la sortait que pour les visites officielles ou pour les défilés de cavalerie, autrement dit elle était belle mais prenait sagement la poussière en attendant qu'elle s'en réoccupe pour les jours J.
L'homme semblait curieux mais pas impoli, et tout ce que Beatrix pu lui répondre c'était son inquiétude et son air solennel.